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Tempête Ciarán : Cas de force majeure ?

Tempête Ciarán : Cas de force majeure ?
La tempête Ciarán qui a secoué nos régions le jeudi 2 novembre dernier n’a pas épargné notre réseau ferroviaire. Malgré les mesures anticipatives prises par la SNCB pour garantir une certaine fluidité des circulations, très rares étaient les trains roulant encore en fin d’après-midi. Bloqués parmi tant d’autres voyageurs à Bruxelles-Midi, nous avons cherché à comprendre ce qui se passait vraiment.

Dès la mi-journée, l’Institut royal météorologique (IRM) annonçait que Ciarán était reconnue comme « tempête officielle » en Belgique, le 9 beaufort ayant été mesuré en Mer du Nord. Elle a fait deux morts chez nous, dont un enfant de cinq ans, et plusieurs autres ailleurs en Europe. Trafic maritime interrompu, événements annulés, parcs fermés… nombreuses étaient les conséquences de ces fortes intempéries qui, sans être banales, n’ont pourtant battu aucun record.

Dès la veille, la SNCB avait averti des mesures qu’elle mettait en place pour garantir la sécurité de tous les voyageurs. Avec, principalement, une réduction de la vitesse maximale des trains à 80 km/h (et 160 km/h sur les lignes à grande vitesse), la suspension des liaisons transfrontalières locales vers la France et de la desserte des gares de la bande côtière, et la suppression de la plupart des trains P. Des mesures somme toute logiques…

Cela avait déjà bien soufflé pendant la nuit. Sur le chemin de la gare, on apprenait à la radio que les équipes d’Infrabel étaient déjà à pied d’œuvre en divers endroits pour retirer des obstacles tombés sur les voies, dont un trampoline mal sécurisé par son propriétaire du côté de Piéton. Sur les grandes lignes, les petits retards commençaient à s’accumuler du fait des réductions de vitesse. Tout ceci alors que la tempête ne faisait que gagner en intensité. Mais dans l’ensemble, cela ne roulait plutôt pas trop mal.

Après une journée de travail bien remplie, retour à Bruxelles-Midi. Dans le métro à Porte de Hal, on checke vite l’app de la SNCB, et on comprend assez vite que le retour sera un peu plus difficile que prévu. Dans la grande gare, pourtant, c’est la cata… Des voyageurs éberlués par centaines, des écrans oranges expliquant que la circulation est « perturbée » (même pas « fortement perturbée »), des annonces vocales à n’en plus finir… Et sur le grand tableau des départs, seulement cinq ou six trains prévus entre 17h et minuit. Mince, que s’est-il passé ?

Des arbres dans les voies…

Rien vers Charleroi, rien vers La Louvière, rien vers Mons, peut-être un départ vers Namur.

On revient sur l’app, où la liste des trains n’a rien à voir avec ce qu’affichent les écrans en gare. L’espoir revient un peu, mais c’est avant de lire les alertes prévenant d’arbres tombés dans les voies à Holleken, à Court-Saint-Etienne, entre Alost et Denderleeuw, entre Opwijk et Termonde, entre Waregem et Harelbeke, et encore ailleurs sans doute.

Durée des dérangements indéterminée.

Comment rentrer à Marchienne-au-Pont, où on a laissé la voiture le matin ? Et puis, devra-t-on acheter
un autre titre de transport si par miracle on peut voyager via Namur, La Louvière ou Mons ?

Dans le hall de gare, des sous-chefs de la SNCB se sont postés en plusieurs endroits et encaissent un flot ininterrompu de questions angoissées en plusieurs langues. Non, nous ne pouvons pas vous dire quand partira le prochain train vers Ottignies… I’m sorry, sir. There’s nothing we can do… La réponse suivante était intéressante : cela ne sert à rien de regarder l’app, jeune homme, les seules bonnes informations sont sur les écrans en gare et via les annonces vocales…

On apprend enfin que la décision d’autoriser le voyage via une autre ligne dépend du chef de bord du train qu’on prendra… Et on s’étonne toujours que, dans ce moment paniqué pour beaucoup, la SNCB ne fasse pas preuve de davantage de souplesse et laisse à nouveau les accompagnateurs de train seuls face à l’énervement généralisé des voyageurs…

Tentative auprès d’un autre sous-chef. On fait comment pour aller à Marchienne-au-Pont ? Ah, Monsieur, il n’y a aucun départ vers Charleroi avec l’arbre tombé à Holleken. Il y a des bus de remplacement vers Nivelles derrière la gare. Ils stationnent un peu plus loin que les Flibco.

On se dit qu’arriver à Nivelles serait déjà pas mal et qu’on va tenter le coup avec ces bus de substitution. Sauf que sur le trottoir en question, un chauffeur BlaBlaCar s’énerve sur les voyageurs SNCB qui veulent à tout prix monter dans son bus. Je vais à Charleroi Airport. Vous devez payer votre ticket. Je ne suis pas la SNCB, moi… Et plus loin sur le trottoir, presque comme une évidence : aucun bus SNCB de remplacement.

Retour dans le hall de gare. Déjà plus d’une heure sans solution. Des accompagnateurs inquiets attendent un train vers Jemelle et ignorent s’ils pourront revenir vers Bruxelles après. Pendus au téléphone, nombreux sont les voyageurs cherchant à convaincre un proche de venir les chercher en voiture. Débarqués d’un Thalys, des touristes devant poursuivre leur voyage viennent grossir les rangs de la foule agacée… L’information en temps de crise à la SNCB reste décidément un gros point noir.

Mais au-delà de l’information, la question est bien : où sont passés tous les trains ?

Un cas de force majeure ?

Il a fallu presque quatre heures pour arriver à Marchienne-au-Pont. Un train vers Mons est apparu et, à Mons, un autre vers Charleroi. Les rares convois sur les rails semblaient rouler un peu par hasard…
Comme c’est le boxon partout, a dit l’accompagnatrice, montez ! On a papoté ensemble. Fatiguée, elle aussi ne cherchait qu’à rentrer chez elle. Une soirée à oublier

Le voyageur peut-il prétendre à un remboursement dans ce genre de circonstances ?

La réponse est oui, à condition que le retard sur le trajet en train soit d’au moins une heure. Une décision de la Cour Européenne de Justice en 2013 impose en effet que les opérateurs ferroviaires offrent une compensation aux voyageurs même en cas de force majeure. Depuis le 7 juin de cette année, les conditions de remboursement ont même été élargies. Cette disposition importante épargne aux voyageurs l’énervement d’un conflit concernant la définition de la force majeure.

La section 11.3 des Conditions générales de la SNCB, qui lie les voyageurs à cette dernière, prévoit au paragraphe 6 les situations où aucune compensation n’est accordée. Parmi celles-ci, on apprend qu’aucun remboursement n’interviendra « pour les retards de moins de 60 minutes dus à des cas de force majeure ». En d’autres mots, si vous deviez prendre un train de Bruxelles-Midi à Tubize le soir du 2 novembre, et que vous êtes arrivés à destination avec 45 minutes de retard sur l’horaire prévu, vous n’aurez droit à aucune compensation.

La procédure de demande de remboursement reste fastidieuse et impose pratiquement que vous ayez créé un compte MySNCB. Navetteurs.be milite depuis de longues années pour une simplification de cette procédure, a fortiori pour les navetteurs effectuant le même trajet au moins plusieurs fois par mois, qui sont au final des « bons clients » de la SNCB. Des bons clients jamais récompensés…

Nous ne pouvons qu’encourager les voyageurs bloqués par la tempête Ciarán à réclamer leur dû.

La gestion des incidents, un sujet qui fâche

Il nous reste à savoir, pour la petite histoire, où étaient passés ces trains qui ne sont jamais arrivés à Bruxelles-Midi le 2 novembre.

Pour réaliser un parcours entre deux gares, en simplifiant, il faut bien entendu un train, un conducteur, un accompagnateur et l’autorisation de circulation sur une ligne donnée à un moment donné. Nos chemins de fer fonctionnant à flux tendu, un accompagnateur enchaîne régulièrement des prestationsdifférentes sur sa journée de travail. Ainsi, après un aller-retour entre Charleroi et Anvers, il peut effectuer un aller-retour entre Charleroi et Jambes, Wavre, Couvin ou Maubeuge.

Au fur et à mesure que s’accumulaient les incidents dus à la tempête Ciarán, c’est tout le planning qui s’est déréglé. Pour de nombreux trains, il n’y avait soit pas de conducteur, soit pas d’accompagnateur, voire aucun des deux, ceux-ci étant bloqués dans d’autres trains dont ils assuraient le service plus tôt dans la journée. A Bruxelles-Nord comme à Bruxelles-Midi, les voies à quai étaient encombrées de trains hors tension, sans personnel de bord pour prendre le relais, les mener ailleurs et libérer le passage…

Etant donné le manque de personnel à la SNCB, on ne trouve plus non plus de conducteurs ou d’accompagnateurs de réserve, prêts à assurer la relève en cas de défection. Et en raison du désinvestissement chronique dans les chemins de fer ces vingt dernières années, Infrabel a dû rationnaliser à outrance le réseau ferré en retirant de nombreux aiguillages et voies de garage, qui permettaient justement de fluidifier le trafic.

Ces explications, qui sont les justifications de la SNCB, les voyageurs n’en ont évidemment cure. Si la plupart d’entre nous tolèrerons toujours le couac occasionnel dans nos trajets, c’est la répétition des incidents qui nous parait insupportable et, avec elle, la lenteur avec laquelle ils sont résolus. Devoir dépêcher une machine de secours venue de l’autre bout du pays pour remorquer un train tombé en détresse en pleine voie restera incompréhensible !

Plus que jamais, nous réclamons une meilleure gestion des incidents, comme l’était la tempête Ciarán au vu de son très lourd impact sur nos parcours ce soir-là, vers Marchienne-au-Pont et partout ailleurs…

Un nouveau réseau TEC ? Usagers, mobilisez-vous !

Nous vous expliquons ici les enjeux de l’initiative en cours de refonte du réseau du TEC sur l’ensemble du territoire wallon. Dans la zone Gembloux-Basse-Sambre, où le nouveau maillage est déjà effectif, de nombreux usagers n’y trouvent pas leur compte et font entendre leur voix. Nous recommandons aux voyageurs du TEC partout en Wallonie de se tenir informés de ce qui pourrait changer pour eux dans les mois et années à venir.

L’administration wallonne a lancé il y a quatre ans un vaste processus participatif visant à redessiner l’offre globale de transport public sur l’ensemble du territoire. Les Organes de Consultation des Bassins de Mobilité (OCBM) établis par le Service Public de Wallonie (SPW) rassemblent, entre autres, les autorités de tutelle en matière de mobilité, des représentant·e·s des communes concernées et – à titre d’invités – des représentant·e·s des usagers.

Il y a six OCBM correspondant grosso modo aux territoires d’exploitation des « anciens TEC » : Brabant wallon, Charleroi, Hainaut, Liège-Verviers, Luxembourg et Namur. La méthode de travail au sein de chaque OCBM comprend un niveau tactique et un niveau opérationnel. Un diagnostic de l’offre TEC existante est posé et analysé, en la confrontant notamment aux flux de mobile data fournis par un opérateur de mobilophonie.

Le travail dans les OCBM est également subdivisé en sous-zones géographiques qui sont examinées consécutivement et non simultanément. Ainsi, dans l’OCBM Charleroi, les travaux concernant la zone nord-ouest (couvrant notamment Courcelles et Chapelle-lez-Herlaimont) et le plateau nord (avec Fleurus, Les Bons Villers et Pont-à-Celles) devraient aboutir à une mise en œuvre opérationnelle en 2024 alors que les travaux concernant la zone Chimay-Beaumont-Thuin-Erquelinnes n’auront pas encore été entamés.

La refonte du réseau prévoit la suppression de toutes les lignes de bus existantes et leur remplacement par de nouvelles lignes aux parcours parfois identiques. En principe, les lignes ferroviaires demeurent l’élément le plus structurant des transports en commun intercommunaux et les lignes du TEC, principalement les nouvelles lignes express, doivent permettre de rabattre les voyageurs vers le train.

On le devine : il s’agit d’un processus complexe et laborieux dont la dernière étape est l’examen de la desserte fine des zones d’habitat. Lorsque l’OCBM s’est accordé sur le tracé d’une ligne entre deux localités et sur la cadence de service, il reste à définir le nombre d’arrêts et leur emplacement exact. Cette dernière étape est celle qui impactera le plus directement les usagers ayant leurs habitudes de transport depuis de nombreuses années.

Vent de révolte à Sombreffe

Le redéploiement du réseau TEC dans la zone Gembloux-Basse-Sambre, étudié par l’OCBM Namur, s’est concrétisé le 1er août 2023 par la suppression de nombreuses lignes existantes (23, 147a, 247a, 347a…) et l’introduction de nouvelles lignes aux tracés et horaires parfois sensiblement différents. La mise en œuvre, à moins d’un mois de la rentrée scolaire, a plongé dans le désarroi de nombreuses familles. Des enfants à qui il ne fallait en juin qu’une vingtaine de minutes pour arriver aux grilles de l’école mettent désormais parfois le triple du temps, avec de surcroit un changement de bus. D’autres usagers ont constaté qu’ils devaient dorénavant emprunter la nouvelle ligne express E83 dont le tarif est largement supérieur à celui des lignes TEC régulières.

Des pétitions ont été lancées. L’une d’entre elles, ayant récolté près de 1200 signatures, rappelle que la commune de Sombreffe s’étale dans une « zone rurale rassemblant des villages aux besoins diversifiés » dont « certains habitants dépendent de l’offre de transports publics pour satisfaire leurs besoins les plus élémentaires (alimentation, soins, travail et suivi de scolarité) ». Les auteurs appellent à « la révision profonde » du nouveau plan de transport, à laquelle ils ajoutent une série de revendications spécifiques et des propositions concrètes.

Ces revendications sont tout à fait légitimes, et l’Autorité Organisatrice du Transport (AOT), qui chapeaute le TEC, pouvait deviner qu’elles donneraient lieu à une mobilisation citoyenne. En effet, dès février 2022, soit un an et demi avant la mise en œuvre du redéploiement dans la zone, le Ministre Henry était interpellé au travers d’une question parlementaire écrite au sujet des « vifs émois dans les villages » que suscitait le projet de redéploiement. Le Ministre a répondu qu’il ne s’agissait que d’un projet servant de « base de discussion avec les citoyens et les pouvoirs locaux » et que ceux-ci auraient d’autres occasions de faire valoir leurs griefs via les mécanismes de concertation prévus.

Or, ce qui ne devait pas arriver est tout de même arrivé. Et il faut en comprendre les raisons, d’autant que sans correctif, la situation est appelée à se reproduire au fur et à mesure du redéploiement ailleurs en Wallonie. La commune de Sombreffe a décidé de porter l’affaire en justice.

La communication envers les usagers, un problème structurel

Lors d’une récente réunion d’OCBM à laquelle nous assistions, les responsables de l’AOT reconnaissaient que leur stratégie de communication aux usagers n’avait pas été optimale. Celle-ci reposait, très en amont, sur un partage assez détaillé du projet de nouvelle offre via la plateforme d’engagement citoyen Mobilli et, dans les semaines ayant précédé sa mise en œuvre – c’est-à-dire lorsqu’il était essentiellement trop tard pour encore modifier le projet – sur des alertes sur le site et l’app du TEC, dans la presse locale et sur les réseaux sociaux.

Seulement voilà, très rares sont les usagers s’étant inscrits sur Mobilli. Celles et ceux qui s’y sont aventurés penseront peut-être comme nous qu’elle manque de clarté, de pédagogie et surtout de transparence. Quelles garanties ai-je en tant qu’usager du TEC que mon avis sera bien pris en compte, a fortiori si je suis le seul à m’inquiéter de la modification d’un parcours unique ou de la suppression d’un arrêt particulier ?

Cette situation illustre en réalité un problème structurel commun à toutes les sociétés de transport public : l’impossibilité d’avertir personnellement chaque usager des modifications importantes à venir. On le voit à Sombreffe, où même les parents d’écoliers disposant d’un abonnement sont tombés des nues en découvrant ce qui changeait au 1er août. Et ce alors que les abonnés sont invariablement les voyageurs les mieux informés, à l’inverse des personnes n’empruntant le bus que de temps à autre.

L’AOT, nous n’en doutons pas, planche déjà sur une solution.

Notre association en ligne de mire ?

On l’a dit plus haut : des représentant·e·s des usagers sont invité·e·s aux réunions des OCBM et connaissent donc les projets de l’AOT. Trois associations, dont la nôtre, sont parties prenantes en vertu d’un arrêté du Gouvernement Wallon de 2021. Les deux autres sont le CAWaB, un collectif d’associations défendant l’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite en Wallonie et à Bruxelles, et Tous à Pied, qui se présente comme « la voix des piétons » sur le même territoire. Or, paradoxalement, notre association est de loin la plus petite des trois. Notre budget annuel est jusqu’à 15 fois inférieur aux leurs et nous ne pouvons compter que sur trois bénévoles pour notre action quotidienne.

C’est dire toute la difficulté que représente pour nous la mission de porter la voix des usagers du TEC dans ces Organes. Nous devons prendre congé (quand nous le pouvons) pour assister aux réunions et nous ignorons le plus souvent tout des lignes de bus du périmètre concerné, des quartiers et des villages qu’elles desservent, et de la réalité quotidienne des voyageurs qui les empruntent.

Mais reconnaissons-le, le cafouillage du redéploiement dans la zone Gembloux-Basse-Sambre nous place dans une situation inconfortable. Ainsi, lorsque le ministre Philippe Henry est parti à la rencontre des « mécontents » de Sombreffe et des communes avoisinantes le 20 septembre dernier, il leur a expliqué que les usagers avaient été associés aux travaux de refonte de l’offre, tout en promettant la mise en œuvre de mesures correctives.

En participant aux OCBM, nous prenons donc le risque de voir notre crédibilité écornée, ainsi que le crédit dont nous bénéficions auprès de la population grâce à notre action en faveur des voyageurs des… chemins de fer. Ce risque, nous l’assumons car la politique de la chaise vide, ce n’a jamais été pour nous.

Les mauvaises bases du redéploiement

Le dimanche 1er octobre, le TEC apportait plusieurs ajustements à son offre dans la région Gembloux-Basse-Sambre, consistant en l’ajout d’arrêts sur plusieurs lignes. Ce correctif représentera-t-il une vraie solution à long terme pour les usagers du coin, et notamment pour les élèves et étudiants dont les parcours se trouvaient considérablement allongés ? Nous attendons les retours, mais quels qu’ils soient, ils ne nous enlèveront pas nos doutes quant à certains principes et à la méthode du redéploiement.

Tout d’abord, l’utilisation des flux de mobile data dans la phase tactique laisse penser que l’AOT cherche prioritairement à capter de nouveaux usagers. C’est de bonne guerre et même tout à fait nécessaire. Mais pas lorsque cela s’opère aussi nettement au détriment des usagers existants, comme c’est bien le cas à Sombreffe. Dans les médias, nous avons parlé d’une forme de violence à l’égard de clients habitués du TEC qui, du jour au lendemain, se trouvent privés de leur seul moyen de transport. Ces usagers ne sont-ils pas justement ceux qui ont porté le TEC à leur façon ces dernières années ? Leur seul tort serait-il maintenant d’habiter en milieu rural ?

Nous ne sommes pas tout à fait convaincus non plus de la volonté de l’AOT de rabattre le plus grand nombre de voyageurs vers les gares et les trains SNCB, ou alors… seulement au prix de correspondances préalables avec un autre bus TEC, express celui-là, au tarif plus élevé ? La multiplication des trajets impliquant une correspondance entre bus TEC, même pour des trajets relativement courts, pose question. Surtout lorsqu’on sait que les voyageurs évitent tant que possible les ruptures de charge sur leur parcours.

Et puis, le découpage du réseau géographique en bassins et en sous-bassins examinés à tour de rôle, et non simultanément, fait que l’AOT pose actuellement des diagnostics partiels de l’efficacité de lignes existantes reliant un sous-bassin en cours d’examen à un autre qui ne l’est pas encore. Le risque étant ici que des modifications de desserte de la ligne dans la zone étudiée impactent la desserte de la même ligne dans une zone limitrophe où le diagnostic n’a pas encore été établi.

Enfin, et c’est peut-être le pire en ce qui nous concerne, il nous a été confirmé lors de réunions d’OCBM qu’il n’existait aucun mécanisme automatique d’ajustement des horaires de bus lorsque les horaires des trains changent. Nous l’avions déjà supposé lorsque la SNCB a mis sur rail la nouvelle liaison Charleroi-Maubeuge sur la ligne 130a avec un tout nouvel horaire décalant les départs d’une demi-heure : aucun ajustement de l’horaire de la ligne 91 du TEC en gare du Lobbes n’était possible selon l’AOT, les correspondances de la ligne s’effectuant prioritairement avec le métro… TEC à Anderlues-Monument.

Nous ne remettons pas en cause l’ambition de proposer un nouveau réseau TEC à hauteur des enjeux de mobilité actuels, ni l’énorme travail abattu par les services compétents de l’administration wallonne. Il nous semble en revanche impératif que celle-ci intègre à sa réflexion une dimension qualitative permettant de mieux cerner les déterminants des choix de mobilité posés par les citoyens et de les impliquer davantage dans la conception des nouvelles offres de transport.

Usagers du TEC, mobilisez-vous !

Nous ne pouvons qu’encourager tous les usagers du TEC à se montrer très vigilants. Le moment arrivera bientôt où l’avenir de toutes les lignes TEC de votre région sera, comme à Sombreffe, remis en question. Le bus passera-t-il toujours demain ou après-demain par ce village que vous habitez ? Devrez-vous désormais prendre une correspondance pour aller à l’école, au marché ou à la gare ?

Pour être certains que cela ne vous arrive, tenez-vous informés. Parlez-en à votre bourgmestre, à vos échevins, au service mobilité de votre commune. Mobilisez-vous, rassemblez-vous et faites entendre votre voix avant qu’il ne soit trop tard.

Il n’y a hélas, selon nous, aucune autre solution.


Le prix d’un pipi en gare

Depuis quelques semaines, la gérance des toilettes dans plusieurs grandes gares a été reprise par 2theloo, une société néerlandaise déjà présente dans d’autres pays européens. Avec – et c’était l’aspect marquant de l’annonce officielle dans les médias en avril – un tarif d’accès porté à 1 EUR, un prix jugé excessif par de très nombreux voyageurs…

Alors, qu’en est-il vraiment ? Nous avons testé ces toilettes « nouvelle gérance » dans les gares de Bruxelles-Nord, Bruxelles-Central, Namur, Charleroi-Central et Liège-Guillemins. Ce prix de 1 EUR trouve-t-il une quelconque justification ? L’état des sanitaires s’est-il amélioré dans les gares concernées ?

Le manque de toilettes publiques dans notre pays est régulièrement pointé du doigt, notamment par les associations travaillant auprès des sans-abris et des migrants, et participe au constat d’insalubrité dans les
endroits où se concentre ce public précarisé. Pour rendre les abords de Bruxelles-Midi moins nauséabonds sans simplement déplacer le problème, il faudra indéniablement tenir compte de cet aspect.

Les grandes gares sont d’importants lieux de passage en ne comptabilisant que celles et ceux qui y passent chaque jour pour se rendre à l’école ou sur leur lien de travail et en revenir. On y reste parfois plus longtemps que prévu, par exemple lorsque le train est supprimé et
qu’il faut attendre le suivant. Les toilettes ne sont pas un luxe ; elles répondent à un besoin humain fondamental. Si elles ne sont pas le core business de la SNCB, celle-ci ne peut nier le rôle qu’elles jouent dans
le confort des voyageurs – aussi bien dans le train qu’en gare.

Or, en proportion, un nombre assez faible de gares et de points d’arrêt disposent de sanitaires accessibles aux voyageurs. Ils sont parfois gratuits et assez bien entretenus, comme à Verviers-Central, Luttre ou Ecaussinnes. Ailleurs, par exemple à Braine-le-Comte ou Libramont, on y accède en glissant une pièce de 50 centimes dans la fente située à côté de la clenche de la porte d’entrée. Dans les grandes gares, jusqu’à l’arrivée de 2theloo, on trouvait souvent des installations vieillies, peu accueillantes (et c’est un euphémisme), payantes à concurrence de 50 centimes ou un peu plus, à déposer dans l’assiette d’une Madame Pipi parfois dépassée par les événements.

Avec un euro réclamé dans ces grandes gares, 2theloo double le prix de ce pipi. Est-ce justifié ?

La réponse n’est pas aussi évidente qu’on pourrait le penser.

Du côté du positif, les installations mises à disposition, des urinoirs aux toilettes aux éviers, sont globalement beaucoup plus agréables. De nouveaux équipements ont été ajoutés, entre autres des diffuseurs de parfum boostant à coup sûr l’expérience olfactive. D’anciens équipements ont été réparés, nettoyés, désinfectés, rafraîchis, ou remplacés par du neuf. Un·e ou plusieurs préposé·e·s s’emploient activement à veiller à l’hygiène et la propreté.

Le tourniquet barrant l’entrée et le prix demandé découragent clairement un certain public d’utiliser les toilettes à des fins autres que celle d’assouvir un besoin naturel pressant, ce qui devrait rassurer les voyageurs n’osant plus les utiliser depuis longtemps. De plus, le voucher distribué contre paiement à l’entrée donne droit à une réduction sur un achat dans un autre commerce de la gare.

Dans la colonne du négatif, commençons par le prix lui-même bien entendu. Un euro, ce n’est pas rien, surtout pour les petites bourses et a fortiori si le passage au petit coin est appelé à se répéter (voyageurs indisposés ou souffrant d’une maladie, navetteurs au long cours avec correspondances, déplacements en famille etc.). Et ce d’autant que les conditions entourant la réduction compensatoire via le voucher sont très restrictives. En effet, la ristourne ne porte que sur une gamme très limitée de produits dans un nombre très limité de commerces avoisinant, presque uniquement Panos ou Relay d’ailleurs.

A Namur, par exemple, à la mi-août, le pipi chez 2theloo ne donnait droit qu’à 50 centimes de réduction sur une GRANDE boisson CHAUDE chez
Panos. Pas question de la faire valoir sur une bouteille d’eau, un croissant ou un panini. Ces conditions de ristourne ne sont affichées nulle part, pas même sur le voucher. Dans les premières semaines, les employé·e·s de Panos à Bruxelles-Nord et Bruxelles-Central ignoraient même tout de
l’existence d’une telle réduction. Celle-ci peut également valoir sur un produit dans la « boutique » 2theloo, lorsque celle-ci est présente. A Bruxelles-Nord, par exemple, on trouve près de la préposée une vitrine assez anonyme dans laquelle sont posés des flacons, probablement de savon ou d’autres produits de soin, dont la qualité est inconnue et le
prix pas affiché…

Notons au passage qu’à Bruxelles-Midi, les sanitaires sont gérés par un autre concessionnaire, National Hygiene Group, pratiquant le même prix d’1 EUR mais sans proposer la moindre réduction à faire valoir dans un commerce de la gare…

Le bilan initial de la gestion des toilettes en gares par 2theloo est donc fort mitigé. Lorsqu’elle peut exploiter de toutes nouvelles installations, comme à Namur et prochainement à Charleroi-Central, l’amélioration de l’expérience de l’usager justifie presque l’augmentation du prix. C’est également le cas à Liège-Guillemins, où les installations ouvertes il y a une quinzaine d’années restent assez modernes. C’est en revanche nettement moins évident à Bruxelles-Nord et Bruxelles-Central, où les sanitaires même rafraichis occupent toujours de vieux espaces assez sombres.

Dans chacune de ces gares, le passage fréquent d’usagers aux besoins pressants exigera que 2theloo mette le paquet, sans mauvais jeu de mot, en matière d’entretiens fréquents, voire de réparations. Certains équipements qui avaient été remis en service après de longs mois d’abandon (deux urinoirs à Bruxelles-Nord, par exemple) sont de nouveau HS. A Charleroi-Central, l’imprimante à vouchers ne fonctionne plus depuis un mois, l’évier dans les toilettes hommes est condamné et les employées sont excédées par la lenteur et l’inefficacité des visites des techniciens.

Et puis, il faudra que 2theloo revoie sa copie en ce qui concerne les réductions accordées grâce au voucher. A l’heure actuelle, rien (ou vraiment très peu) ne donne envie au voyageur d’obtenir la compensation promise. Mais, dans le monde cynique dans lequel nous vivons, c’est peut-être exactement l’effet recherché…

Bref, quelques mois après l’annonce de la reprise, on se demande vraiment si 2theloo est à la hauteur de la tâche.