Marbehan, la gare déchue

Aux yeux de la SNCB, Marbehan n’est plus une gare – mais un simple point d’arrêt. Elle a fermé le guichet, et plus aucun agent des chemins de fer n’y travaille au quotidien. Il n’y avait pas assez de transactions – entendez de ventes de billets – en moyenne par jour, sur l’année, selon une constante x et une variable y. Si vous avez besoin d’un renseignement et que manipuler un smartphone n’est pas votre tasse de thé, démerdez-vous.

Mais chose étrange : les grands trains entre Bruxelles et Luxembourg s’y arrêtent toujours, toutes les heures, avec la même fidélité. Ce qui doit faire de Marbehan le point d’arrêt le plus xxl du pays… Avec notamment quatre lignes de bus, trois parkings, un point Batopin, une vaste salle d’attente, une personne nettoyant en journée, beaucoup de caméras et deux rampes mobiles. Rien à voir avec Hourpes ou Beignée…

A la belle saison, on y parle presque plus flamand que français, parce que le coin plaît beaucoup, avec ses balades dans la nature. Les quais sont fort garnis de voyageurs, de l’ouest comme de l’est, un peu hébétés. Comment le vivent les gens du coin, qui ne peuvent comprendre que la SNCB ne travaille plus à Marbehan – ou alors seulement à distance, et grâce uniquement à la fibre ? Nos aînés, dont les impôts ont nourri la SNCB, ne méritent-ils pas plus d’égard ?

Marbehan ne peut être un point d’arrêt international – ça ne doit pas exister. Pour nous les voyageurs, avec regret, ce sera une gare non gardée (GNG ?). Parce que cela reste une gare, que la SNCB le veuille ou non, avec une place dans l’histoire qui ne peut être remise en question pour une question de chiffres. Cela reste une gare d’aujourd’hui, avec ses saisons, sa belle fréquentation, ses départs matinaux, ses retours en retard, ses bonjours enjoués, ses aurevoirs attristés.

Maurice Grevisse doit se retourner dans sa tombe. Jamais n’aurait-il pu penser que le présent simple de sa gare ne serait guère plus qu’un passé composé, sans impératif ni futur vraiment digne. Les grands trains vers Luxembourg s’arrêtent désormais à Marbehan à la voie passive. Tout est électronique, sauf les cris réprimés des fusillés de la Grande Guerre qui y ont transité, et dont l’écho des pas résignés résonne encore pour qui veut encore voir à Marbehan une gare.

~ le long des rails ~ 06.08.25